Salut tout le monde ces moi antomono!

Avant, j'étais banal...

Plutôt bon élève, bon garçon, bon copain. Personne n'avait jamais eu à se plaindre de moi : sûrment pas mes professeurs qui louaient mes efforts, ma régularité et mon sérieux ; ni même mes parents que j'aidais du mieux que je pouvais à la maison ; ni surtout mes nombreux amis qui appréciaient mon entrain, mon équanimité et ma générosité. Je multipliais les activités à l'époque : après les cours, une fois que j'avais relu mes leçons et pris de l'avance sur mes devoirs, je m'adonnais au sport : tennis, football ou escrime. Mes weekends étaient consacrés au jardinage et au piano.

J'étais tel que tout le monde me souhaitait – et je n'existais pas : ce n'était qu'une image, vide de substance... Ma vraie personnalité mûrissait lentement, couvant sous la surface. Et elle se révéla quand je le rencontrai. Ce fut une révélation, une illumination, une transfiguration ! Saint-Minou a changé ma vie.

Je le découvris par hasard, sur internet, dans le cadre du B2I – car jamais auparavant je n'allais sur internet sans le chaperonnage d'un adulte. C'est ainsi que je fis la recontre des apôtres de Saint-Minou. Ils étaient là, une dizaine d'êtres virtuels aux pesudos étranges et aux avatars effrayants ; ils affichaient, débonnaires, leurs goûts nippons et leur culture vidéo-ludique ; ils se considéraient comme différents, comme étrangers à ces moutons qui bêlent en troupeaux dans notre beau pays. Et surtout, ils m'accueillirent, ils me reconnurent comme un des leurs et me firent voir les erreurs de mon passé.

Afin de préserver l'anonymat qui leur est cher, je leur donnerai des noms saugrenus ; mais je n'oublierai jamais le jour où je me présentai à eux :
"Bonjour à tous ! Je me présente : dans la vie j'aime tout, j'ai de bonnes notes, je fais du sport et j'ai beaucoup d'amis !
-De bonnes notes ?! s'écria Ephy. Mais les notes ne veulent rien dire ! Crois-tu qu'on puisse juger de la qualité de la vie d'un homme en lui attribuant une note ? Je vois ça d'ici : Socrate 19/20, bravo ; Hitler 2/20, nul, comme d'habitude... Vis ta vie au lieu de perdre ton temps à étudier des disciplines pédantes et inutiles que tous les adultes s'empressent d'oublier. Profite de ta jeunesse !

-Du sport ?! s'indigna Hiino. Mais le sport est terriblement mauvais pour la santé ! C'est une drogue dont ton corps ne peut plus se passer jusqu'à la blessure ! Et là, privé de dopamine, tu vas prendre du ventre, tes muscles vont fondre, devenir graisse. Au bout du compte, tu auras récolté des entorses, des arrachements, des tendinites, des hernies ! Alors que la sédentarité devant ton ordinateur te préserve de tous ces dangers.

-Des amis ?! s'offusqua Slup. Ce ne sont que des hypocrites qui profitent de ta gentillesse : tu verras que, dans quelques années, ils t'auront tous oublié ! Tes véritables amis, tu ne connaîtras ni leur vrai nom, ni leur visage et tu n'échangeras avec eux que des messages différés sur un forum : là seulement, tu pourras juger de la qualité de leur amitié, car ils ne se soucieront pas de tes réactions, et leurs paroles resteront gravées dans les archives.

-Et pourquoi pas une copine tant que tu y es ? rajouta Léo.
-Justement, ma copine pense que... commençai-je.
-Quoi ?! Mais la seule véritable compagne digne d'une homme est la chèvre ! Elle seule te restera fidèle toute sa vie ; elle seule te laissera lui pétrir les mamelles avec reconnaissance ; elle seule ne suscitera ni l'envie des autres, ni ta jalousie !"

Leurs paroles, commençaient à me faire prendre conscience que je m'étais jusqu'alors fourvoyé. Ce fut Kitu qui acheva de m'en convaincre :
"Je parie que tes parents sont fiers de toi... Tu ne réponds pas : j'en étais sûr ! Mais tes parents, c'est le passé ! Les respecter, c'est t'enfermer dans une époque révolue, c'est vouer un culte au pourrissement, à la décrépitude, à la mort !"

Je ne pus retenir mes larmes en lisant ces mots pleins de sagesse. Je voyais enfin que ma vie n'était qu'une farce. Depuis, je ne sors presque plus de chez moi ; je suis blême, car je passe tout mon temps libre et la plupart de mes nuits sur mon ordinateur ; sans plus voir mes amis que je prends plaisir à rabaisser en leur démontrant la vanité de leur existence ; sans plus écouter mes parents dont les valeurs passéistes ne sont plus les miennes ; sans plus travailler à l'école, car je me consacre désormais à des travaux plus importants : je make en l'honneur de Saint-Minou !